(2016) erwan / when the fuck has it gone wrong?

Elle en avait marre, Moïra. Tellement marre. Elle n'en pouvait plus de cette situation qui durait, qui la bouffait, et dont elle n'arrivait pas à s'extirper. Cela faisait des mois que son couple partait en sucette, et ils n'étaient pas arrivés à remonter la pente, à régler ce qui n'allait plus. Ils restaient ensemble malgré tout, parce qu'ils s'aimaient. Ça n'empêchait pas que Moïra était terriblement fatiguée. Son patron lui avait d'ailleurs fait remarquer plusieurs fois ces dernières semaines qu'elle avait une petite mine. Elle avait des cernes sous les yeux, les épaules voûtées, somnolait parfois sans même s'en rendre compte. À chaque fois elle répondait d'un léger geste de la main et d'un petit sourire, prétendant que tout allait bien. Mais ça n'allait pas, et chaque fois qu'elle se levait avec douleur au beau milieu de la nuit, elle en prenait pleinement conscience. Une heure et demi du matin, c'est ce qu'affichait le réveil électronique. Elle commençait à le détester, ce réveil. Il n'annonçait jamais rien de bon. Elle se réveillait automatiquement, Moïra, plusieurs fois au beau milieu de la nuit. C'était l'anxiété, sûrement. Elle aurait préféré dormir d'une traite, comme ça elle ne s'inquiéterait pas d'aller chercher Thad. Il serait là, ou pas, quand elle se réveillerait le lendemain matin. Le problème étant que, probablement parce qu'elle s'inquiétait pour lui, elle se réveillait systématiquement sur les coups d'une heure et demi ou deux heures, et lorsqu'il n'était pas à côté d'elle dans le lit elle allait le chercher, à chaque fois. Elle n'arrivait pas à se résoudre à le laisser rentrer tout seul ; elle avait toujours peur qu'il lui arrive quelque chose, et elle n'aurait pas pu se le pardonner si tel était le cas. Pour la centième fois depuis le mois d'avril, Moïra retira sa couverture et sortit du lit à regret. Elle avait mal au crâne, et chaque mouvement de la tête était douloureux. Elle se passa le visage à l'eau, enfila un pantalon de jogging et son k-way, et sortit dans la fraîcheur de la nuit. Elle ralentit en arrivant à proximité du bar et, une fois devant les vitres, elle se stoppa quelques secondes. Toujours cette même image qui s'affichait devant ses yeux : le jeune barman derrière le comptoir, et quelques hommes hilares accoudés. Parmi eux, Thad. Son cœur se brisait à chaque fois qu'elle posait le regard sur lui, et qu'elle le voyait dans cet état. Et pendant ces quelques secondes, Moïra, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Et puis elle prenait une grande inspiration, se préparant mentalement à ce qui allait arriver. Ce qui arrivait toujours. « Bonjour. » Dit-elle doucement, machinalement, sans trop regarder quelqu'un d'autre que son petit ami. Elle pinça les lèvres et le fixa, attendant qu'il se retourne, attendant qu'il se lève. « Thad. » Dit-elle, fermement. Elle jette un regard autour d'elle, Moïra. Et on commence à la regarder en coin, à soupirer. La voilà, la rabat-joie.