(2017) forgotten memories. (jam)

elle n'en peut plus. elle va craquer. elle sait qu'elle aimait sa liberté, avant. elle se souvient de ça, elle sait qu'elle a toujours aimé l'idée d'être libre, et que justement, le fait que ses parents lui foutent la paix lui avait toujours plu. mais elle ne peut rien faire. ils veulent la garder sous surveillance, parce qu'elle ne se souvient pas assez d'elle-même et de ses proches pour pouvoir être relâchée dans la nature, comme ça. et puis, il faut prendre en compte ses rechutes, quand elle ne reconnaît plus ses parents. et ses crises de colère, de panique et de larmes. elle est trop instable pour qu'ils puissent la laisser sortir. alors, voilà presque un mois qu'elle s'est réveillée, qu'elle ne sait pas quoi faire, qu'elle devient chaque jour un peu plus folle entre ces murs trop blanc. elle ne voit plus d'autre couleur. elle a l'impression de tout connaître par cœur, alors que ses souvenirs lui échappent entre les mains un peu plus, chaque fois qu'elle essaie de les rattraper. elle déambule dans les couloirs tel un pantin désarticulé. elle a perdu du poids, elle n'en peut plus de ces repas insipides qu'elle subit depuis le début. elle n'en peut plus de rester enfermée ici. elle va devenir folle, elle en est sûre. elle marche sur ce carrelage dont elle connaît chaque dalle. elle revoit ces visages qu'elle connaît par cœur. elle connaît leurs noms aussi. elle essaie de garder un maximum de choses dans sa mémoire, elle ne veut plus oublier, plus jamais. elle essaie de remplacer ce dont elle n'arrive pas à se souvenir par d'autres informations. parfois, dans l'obscurité de sa chambre, elle se récite les noms des médecins et des infirmiers du secteur, pour être sûre qu'elle n'a pas encore tout perdu. seulement, aujourd'hui, elle croise ce visage. il ne lui est pas familier, pourtant il ne lui est pas tout à fait inconnu. elle mobilise ses flashbacks, elle essaie de ne pas perdre le peu de souvenirs qu'elle a réussi à glaner. elle le reconnaît. c'est jam. james. son frère. elle sait qu'ils ne sont jamais entendus. qu'ils n'ont jamais été proches. pourtant elle se souvient l'avoir tenu dans son sommeil. elle se souvient qu'il pleurait. elle se souvient de l'odeur acide des médicaments qui se dégageait de sa peau. elle fronce les sourcils. elle aurait aimé qu'il vienne plus tôt. elle s'en souvient comme d'une personne malgré tout plutôt rassurante. elle a envie de rugir. elle a envie de hurler. elle fronce les sourcils. elle bout à l'intérieur « c'est maintenant que tu te pointes ? » qu'elle crache, pleine d'animosité et de venin. elle se souvient d'elle de cette façon. elle déteste ce qu'elle a été, mais pourtant, elle ne peut pas s'empêcher de l'être de nouveau, à ce moment là. « presque un mois que j'attends que tu te pointes ! t'es l'premier dont j'me suis souv'nue, et t'étais même pas là ! et tu débarques sans rien à bouffer ! » elle mâche ses mots, comme avant, quand elle n'arrivait même plus à parler à cause de la coke. mais là, elle est submergée par la colère et la fatigue émotionnelle.