(2014) imprévisible - beth

Un matin de janvier. A l’heure où le jour l’emporte sur la nuit. Il fait froid. La ville entière est paralysée par la neige et le blizzard. Zeke a du troquer ses converses contre une paire de chaussures imperméables. Il n'est resté qu'une heure derrière son établi au marché. Pas un seul client, le temps à fait fuir même les plus courageux. Alors c'est sans un rond ne poche qu'il prend la route inverse pour retourner chez lui. Il serre plus durement le col contre son cou pour empêcher le froid de s’immiscer. Il traverse la route. Y'a un bon centimètre de neige, alors les passages cloutés ne sont plus apparents. Il prend une zone qu'il considère sans risque. Les phares l'alertent, puis le klaxon retenti. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il saute, valdingue et atterrit le nez dans la poudreuse. La voiture l'évite de justesse. Elle roulait trop vite. Il est sonné lui. Il a un peu froid aussi, son corps entier frissonne tandis qu'il se redresse tant bien que mal, prêt à insulter le foutue chauffard qui a failli mettre fin à ses jours. Il relève la tête et la voit. Une évidence sournoise s'impose dans son esprit: son assassin et belle. Bouche bée -et croyez le, ça n'arrive pas souvent à Ezekiel-, il se redresse pour la toiser plus longuement. Ces traits fins, ses yeux sombres et malheureux. Elle pu les problèmes, la liberté. Elle laisse une main vagabonder dans sa chevelure blonde devant un Zeke totalement fasciné par sa beauté. Déjà, la princesse s'éloigne, constatant qu'il va bien, perchée sur ses talons hors de prix. Lui la regarde, le sourire aux lèvres. Il doit avoir l'air très niais à cet instant. « tu l'as eu dans une pochette surprise ton permis ? » nargue t-il, l'envie de la retenir, juste quelques minutes, juste assez pour entendre le son de sa voix. Il est sous le charme le gamin. « tu ne devrais pas conduire sous cette tempête. » ajoute il, la neige qui s'accroche à ses dreds, le contraste du blanc sur sa peau. Il tutoie Ezekiel. Il n'a jamais été très à l'aise avec ces formes de politesse qu'il considère comme  totalement surfaites. Son regard s'accroche doucement au sien. Il ne tient pas à la froisser ou lui faire peur. Mais ce sont des choses qui arrivent avec lui. L'autre jour, une vieille lui a carrément dit qu'elle n'avait pas d'argent alors que le gamin voulait seulement lui rendre le ticket de bus qu'elle avait perdu.

Il devrait être vu dans le blanc du paysage. Elle ne voit pas elle. Beth ne s'excuse même pas une fois qu'elle remarque qu'il n'a rien. Étonnant quand on voit le bond qu'il a fait dans la poudreuse. Une chance qu'un amas de neige important ait ralenti sa chute. Si c'est le bitume que son crâne aurait trouvé, les choses auraient été bien différentes. Elle veut déjà s’éclipser mais il l'interpelle lui. Juste pour analyser plus finement ces traits. Des gazouillis dans le ventre. Un cœur qui s’accélère. Un quelque chose d'agréable et de chaleureux qui parcourt son échine. « Ta gueule, j'ai le permis moi, au moins. » répond t-elle, l'assurance dans le fond de sa voix. Un bout de papier qu'il ne juge pas nécessaire alors qu'il peut tout faire à pieds, en vélo ou en transport en commun. Il n'a pas le budget pour s'offrir le permis, encore moins pour acheter une voiture, aussi naze soit elle. Il a déjà à peine de quoi se payer ses sorties. « ils le donnent vraiment à n'importe qui. » taquine t-il. La route n'est pas idéale pour conduire correctement sauf qu'elle n'a pas du respecter les limitations pour que son freinage soit si brutal. Plus de peur que de mal. Rien de grave. « Par ce temps on ne ferait rien, si on écoutait les cons. » Elle lui décroche un sourire. Elle a du répondant. Ça lui plait à Zeke. « Bon t'es vivant non ? » Elle est vraiment jolie, qu'il se dit le black tandis qu'il scrute son visage sans se cacher. Un quelque chose d'une fleur sauvage. Indomptable. « En un seul morceau en tout cas. » Elle veut écourter l'entrevue, lui ne cherche qu'une chose au contraire, persévérer. Découvrir. Il pourrait la laisser filer mais y'a un truc qui résonne au fond de lui. Un truc qui le pousse à continuer.  « Tu vas même pas t’excuser ? » demande t-il, un sourire narquois sur les lèvres. Ce serait légitime non ? Elle a quand même failli mettre fin à sa vie. Heureusement qu'il a de bons réflexes, sinon, c'était cimetière et prison pour elle. Avec sa belle gueule et ces manières, elle n'aurait pas tenu deux jours là bas. Ses mains qu'il fourre dans ses poches, il fait terriblement froid. Il ne serait pas contre un câlin pour tromper l'ennuie. Avec elle dans sa vie, quelque chose lui dit qu'il pourrait y dire adieu définitivement.