(2017) don't sleep and slide ft. bessie

Une soirée de plus, une soirée de trop, à se démener comme un malade au point de le devenir, malade. Malade de cette putain de vie trop longue et trop ressemblante à tout ce qu’il avait toujours vécu. Quand est-ce que ça changerait ? Quand est-ce que la roue tournerait ? Sans doute jamais, Dallas, et les Conley en général, étaient condamnés à ce canevas maudit qui modulait leurs avenirs. Avenir qui n’avait que bien peu de sens aux yeux du trentenaire. Jour après jour, il enchaînait les heures de travail jusqu’à ce qu’il atteigne le temps supplémentaire que son patron n’acceptait pas de lui payer. À un moment, il en arrivait à bout et quittait c’t’enfer sans se retourner, seulement pour mieux y revenir le lendemain matin. Ça se résumait à ça, la vie de Dallas, mais entre quelques heures de boulot il s’offrait un semblant d'existence dans les bras de l’une ou l’autre de ses conquêtes. Souvent Bessie, souvent elle oui parce qu’il n’y avait aucune prise de tête, il n’y avait aucun questionnement à avoir. Des rires, des orgasmes, des discussions légères qui lui permettaient, à Dallas, d’oublier un peu l’étau qui se refermait autour de son cou. « Hey Bessie, j’sais qu’il est tard, mais si t’as envie d’me rejoindre chez moi, ce serait … ce serait bien. Ok, salut. » Dallas était trop déconnecté de ses émotions, trop handicapé des sentiments, pour formuler une quelconque vérité quant à ce qu’il ressentirait vraiment si Bessie se pointait chez lui malgré l’heure nocturne. Un soulagement. Un apaisement. Ce soir, il se sentait vide, il se sentait las. Il avait besoin de combler le manque de vitalité par une affection qui ne signifiait rien.  Alors il raccrocha après avoir laissé ce message sur la boîte vocale de son amie et rentra chez lui sans plus tarder, dans l’espoir que la sonnerie retentisse dans les minutes suivant son arrivée. En attendant, il s’assit sur le canapé, verre de vodka cheap en main, et fixa sa télévision ouverte sur une chaîne qu’il ne voyait même pas.

Sa tête se posa sur le dossier, basculée vers l’arrière. Les yeux clos. Le verre de vodka tenu par une main las entre ses cuisses. Dallas serra les mâchoires, dans l’espoir de pouvoir, encore une fois, ravaler ses larmes et son désespoir. Encore pour une nuit. Juste une autre nuit à se démerder, à faire comme si tout allait, comme si tout était normal. Alors que tout était complètement fucked up. Désorganisé. Si la vie avait un sens, celle de Dallas était carrément dans la mauvaise direction. Pourtant, il arrivait à se relever à chaque fois, et le fit encore maintenant qu’on sonna à la porte. Il posa le verre sur la table basse remplie de lettres qu’il n’avait pas encore ouvertes. Sans doute des comptes à payer, en retard, toujours en retard. Parce que Dallas n’en revenait jamais à quel point il se tuait à travailler pour de l’argent qu’il jetait par la fenêtre à coup de chauffage en hiver et d’air climatisé en été. Un soupir, quelques pas, et il ouvrit la porte sur une Bessie toujours aussi resplendissante. Comme si toute la lumière que Dallas aurait pu avoir dans le regard, la blonde la lui avait volée. Mais non. Pas elle. Dallas avait beau mépriser bien des gens, elle, il n’y arrivait pas. Pour lui, elle était la bonté incarnée, malgré ses erreurs et ses défauts. Il ne les voyait pas. Il ne voyait que la sainte, celle qu’il se plaisait à corrompre, celle qu’il emmenait dans sa noirceur. Et c’était bon. « Il était temps que tu arrives … » Ses paroles n’étaient pas des reproches, ses paroles témoignaient de son empressement à être délivré. Il attrapa alors doucement la main de Bessie et l’entraîna à l’intérieur, un regard charnel la dévorant des yeux, refermant la porte derrière elle. Il la pressa délicatement contre le mur tout en commençant à l’embrasser. Si elle s’était attendue à faire la conversation, il fallait qu’elle aille voir ailleurs que chez Dallas.